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Page:Verhaeren - Poèmes, t1, 1895, 2e éd.djvu/161

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les flamandes


III


Aux kermesses pourtant les paysans font fête,
Même les plus crasseux, les plus ladres. Leurs gars
Y vont chercher femelle et s’y chauffer la tête.
Un fort repas, graissé de sauces et de lards,
Sale à point les gosiers et les enflamme à boire.
On roule aux cabarets, goussets ronds, cœurs en feu,
On y bataille, on y casse gueule et mâchoire
Aux gens du bourg voisin, qui voudraient, Nom de Dieu !
Lécher trop goulûment les filles du village
Et gloutonner un plat de chair, qui n’est pas leur.

Tout l’argent mis à part y passe — en gaspillage,
En danse, en brocs offerts de sableur à sableur,
En bouteilles, gisant à terre en tas difformes.
Les plus fiers de leur force ont des gestes de roi
À rafler d’un seul trait des pots de bière énormes,
Et leurs masques, plaqués de feu, dardant l’effroi,
Avec leurs yeux sanglants et leur bouche gluante,
Allument des soleils dans le grouillement noir.