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les débacles


La mordre et tordre en son appel et son tourment
Et sa misère allante et ballante et sa plainte
Toujours la même, à travers temps, infiniment.
Et se complaire à se sentir cruel et fourbe :
La bête immensément d’ébène et de granit
Et de corne et de roc, qui surplombe la tourbe
De ces pleureurs, tous les mêmes, vers l’infini ;
Et les haïr et regretter son impuissance
Non pour les secourir, mais pour rageusement
Les affoler et se prouver sa malfaisance.

Désir d’être soudain cette idole qui ment !
Ils arrivent les amants, doux, comme des lampes,
Le soir, dans le feuillage éteint, au loin, là-bas,
Ils arrivent doux et pleins de soir, le long des rampes,
Ils arrivent, par deux, les bras liés aux bras,
Tristes et doux, prier à Benarès, l’Idole.

Ils arrivent les pèlerins lointains, les mornes
De la misère et de la faim, les las d’avoir