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poèmes, iiie série

D’où la jeunesse avait crié son vœu de vivre ;
J’étais la proue en fête et qui s’enivre ;
Mes bras illuminés d’escarboucles et d’or
Cueillaient dans l’air les écharpes du vent.
Dites, c’était en de grands ports là-bas, vers les Levants
Par des nuits de miroirs et d’îles immobiles.

J’étais celle des soirs en mer
Et je réverbérais aux flots myriadaires
Les écailles d’argent de mon ventre d’éclair
Et l’or hallucinant de mes yeux légendaires.

J’étais la déesse et la proue ;
L’audace au gouvernail tournait la roue ;
Ton nom s’illuminait à l’or de mes seins d’or
Et ta tête brûlait, parmi ma fête
De chocs sur chocs, contre les blocs de la tempête.

Et maintenant, à ta rampe, pendant la nuit,
Je suis l’image accoudée et brûlante
Qui se penche sur ton ennui.

J’étais présente aussi en ces gares étincelantes