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SAGESSE

Payant les violons voudrait mener la danse,
Au risque d’alarmer quelque peu les passants.

N’as-tu pas, en fouillant les recoins de ton âme,
Un beau vice à tirer comme un sabre au soleil,
Quelque vice joyeux, effronté, qui s’enflamme
Et vibre, et darde rouge au front du ciel vermeil ?

Un ou plusieurs ? Si oui, tant mieux ! Et pars bien vite
En guerre, et bats d’estoc et de taille, sans choix
Surtout, et mets ce masque indolent où s’abrite
La haine inassouvie et repue à la fois…

Il faut n’être pas dupe en ce farceur de monde
Où le bonheur n’a rien d’exquis et d’alléchant
S’il n’y frétille un peu de pervers et d’immonde,
Et pour n’être pas dupe il faut être méchant.

— Sagesse humaine, ah ! j’ai les yeux sur d’autres choses,
Et parmi ce passé dont ta voix décrivait
L’ennui, pour des conseils encore plus moroses,
Je ne me souviens plus que du mal que j’ai fait.

Dans tous les mouvements bizarres de ma vie,
De mes « malheurs », selon le moment et le lieu,
Des autres et de moi, de la route suivie,
Je n’ai rien retenu que la grâce de Dieu.