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POÈMES SATURNIENS


Et fait papilloter sur les architectures,
À l’angle des objets, dans l’ombre du plafond,
Ce halo singulier qu’on voit dans les peintures.

Parmi le clair-obscur transparent et profond
S’agitent effarés des hommes et des femmes
À pas furtifs, ainsi que les hyènes font.

Riches, les vêtements des seigneurs et des dames,
Velours, panne, satin, soie, hermine et brocart,
Chantent l’ode du luxe en chatoyantes gammes,

Et, trouant par éclairs distancés avec art
L’opaque demi-jour, les cuirasses de cuivre
Des gardes alignés scintillent de trois quart.

Un homme en robe noire, à visage de guivre,
Se penche, en caressant de la main ses fémurs,
Sur un lit, comme l’on se penche sur un livre.

Des rideaux de drap d’or roides comme des murs
Tombent d’un dais de bois d’ébène en droite ligne,
Dardant à temps égaux l’œil des diamants durs.

Dans le lit, un vieillard d’une maigreur insigne
Égrène un chapelet, qu’il baise par moment,
Entre ses doigts crochus comme des brins de vigne.