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louise leclercq

de ces classes inférieures du commerce en détail, le parfum de ces âmes humbles, régnait dans toute sa personne, souverainement. Son accent légèrement précieux et flûte, — mais née de parents parisiens et n’ayant jamais vécu qu’aux Batignolles, comment voulez-vous qu’elle ne chantât pas, qu’elle ne traînât pas un tantinet en parlant ? — son accent prêtait à sa parole toujours sobre, juste et bienveillante, une musique qui la rendait délicieuse. Ses parents l’avaient beaucoup mieux élevée qu’on n’eût été en droit de l’attendre de gens en apparence si bornés et que leur trafic semblait devoir absorber tout entiers. C’est ainsi qu’elle avait été recommandée à la maîtresse de l’externat de la rue Lemercier pour des travaux d’aiguille et des notions de ménage de préférence à toutes les autres matières enseignées. Bien qu’elle eût montré dès son enfance des dispositions pour le dessin et la musique, ces deux arts d’agrément avaient été rayés de son programme d’études de par un bon sens dont donne trop peu d’exemples notre petite bourgeoisie parisienne d’aujourd’hui, si superficielle en tout autre chose qu’en le travail pour le pain quotidien, où elle est admirable, par exemple, de prévoyance, d’économie et d’honnête savoir-faire. Elle avait aussi, sur l’insistance de ces bonnes gens, suivi un an de plus qu’il n’était d’usage dans l’institution Brodeau le précieux catéchisme de persévérance