Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, IV.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
106
louise leclercq

dévorée, le renvoi sourd devers la tour ou le chaume noirs dans la nuit charmante. Mais quelles serres et quel bec ils ont donc, l’amour et le hibou ?

La pauvre Louise, victime dévouée, l’éprouvait, cette fatalité, et devait l’éprouver en tous sens, contre elle, pour elle, par elle !

Doucet ne s’aperçut tout d’abord pas de l’amour insensé de Louise pour lui. Habitué qu’il était aux seules anecdotes de bal public ou de canotage, l’idée ne lui serait jamais venue, il faut lui rendre cette justice, qu’une jeune fille de bonne famille et d’éducation sévère dût jamais prendre garde à sa « pomme » toute destinée rien qu’aux beautés faciles de la brasserie et de l’atelier. Il ne se serait par conséquent jamais mis dans sa petite tête pas méchante au fond, de faire une cour pour le mauvais motif (il se croyait trop jeune et se sentait trop pauvre pour même rêver à du sérieux dans cet ordre d’idées) chez des gens calés comme les Leclercq. D’ailleurs le genre de charme de Louise n’était pas pour l’attirer. La jeunesse moins piquante que délicate de Mme Leclercq, sa modestie un peu hautaine et l’habitude chaste de toute sa démarche ne disaient rien aux sens naïfs de cet adolescent trivial.

À la fin pourtant, à force d’avoir ses regards croisés par ceux de Louise aussitôt éteints sous des palpitements de cils, et de remarquer sur son visage ce va-et-vient des couleurs qui décèle encore plus