Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, IV.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
126
pierre duchatelet

quiétude du pain quotidien suffisant et dignement gagné pour la femme et les enfants, celle du feu, celle du loyer, assombrissaient ces fronts, les plissaient, fronçant et confondant les sourcils furieux sous un poids plus lourd que les képis avachis, encore détrempés par la neige d’hier, enfoncés rageusement à deux mains contre les farces de cet hiver comme on en avait peu vu.

Des groupes stationnaient ou circulaient le long du chemin de ronde, auprès des casernes d’octroi, à l’entrée des premières rues du faubourg. D’aucuns battaient la semelle, d’autres lisaient à haute voix l’Avant-Garde, que venaient de crier de petits marchands :

— Achetez Frédérick-Charles prisonnier !

— Voyez l’armée de la délivrance ! Nouvelles victoires sur la Loire !

— La vraie chanson de Charles Bourbaki !

— La jonction avec Chanzy !

— Marche de Garibaldi sur Paris ! La grande déroute des Allemands !

— Le dernier discours de Léon Gambetta !

— Réponse du gouvernement de la Défense Nationale aux délégués du dix-huitième arrondissement !

— Dix centimes, deux sous !

D’autres, enfin, mains dans les poches, à trois ou quatre sur un rang, marchaient vite, généralement