Aller au contenu

Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, IV.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
135
pierre duchatelet


Le visage de sa femme, était de profil. La ligne du front petit, du nez un peu retroussé, la bouche rouge, nette, le teint haut sans exagération et l’œil bien fait sous le sourcil bien arqué, lui entraient dedans en même temps que les jours d’une cour assez longue, correspondance innocente et confidences naïves sous la surveillance des bonnes gens de beaux-parents, passaient dans sa mémoire, obscurcissant la chère image d’un brouillard de pleurs. Au cou frêle encore flambait une cravate ponceau dont le gros nœud se renflait sur le haut d’une robe noire toute simple, coupée par le cadre à la tombée des épaules. Le cadre d’ébène neutralisait un peu les teintes trop ambrées à dessein de la cire et restituait à l’image la pâleur chaude de l’original.

Pierre pleura, puis sanglota. Qu’est-ce qu’il avait fait, imbécile ? La chère enfant, qu’allait-elle devenir ?

Maudit enthousiasme, ridicule peut-être, à coup sûr odieux quand on est le mari d’un tel trésor ! Et il serrait le portrait entre ses mains, le couvrait de baisers et de larmes.

À ce moment dans la rue le rappel battit.

Il battait souvent à cette époque d’héroïsme assez factice. Pierre se rendait compte tout aussi bien qu’un autre de cette fréquence abusive et l’avait, surtout dans les derniers temps, ressentie d’une façon particulièrement nerveuse. Mais dans la con-