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Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, IV.djvu/209

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NUIT BLANCHE


Deux ombres fort élégantes se sont rencontrées dans le clair de lune d’une nuit de janvier dernier.

Très élégantes, ces ombres, il faut y insister, mais un peu titubantes. Hautes d’ailleurs et même hautaines. Mais un peu titubantes, là !

L’ivresse ? Certes ! l’orgueil, oui-da ! Tort d’une part, ô évidemment. Mais si, mais tant, mais tellement raison de l’autre de part.

Et d’un parisien, ces ombres ! (Car nous avons décidément affaire à des fantômes. Être un fantôme, pas facile, mais très bien porté dans cette flemme actuelle.)

L’un des spectres est maigre. L’autre aussi. L’un imberbe, chauve, sans sourcils ni cils et la tête nue avec un capuchon tombant derrière de côté, le capuchon de son camail à tout petits boutons déboutonnés. Costume collant sous des plis, roussâtre. Souliers trop longs peut-être éculés.

L’autre, chevelure grise et toute jeune et abondante sous un haut de forme à la soie vaguement en