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mémoires d’un veuf

et les discussions qui s’engagèrent à son propos. Il suit de là que le goût du Beau, dans la seule partie du public dont le poète puisse avoir cure, s’est anobli ; car la poésie ne vit, ceci est hors de question, que de hautes généralités, que de choix parmi les lieux communs, que des plus fières traditions de l’âme et de la conscience ; entre tous les arts, dont elle est l’aînée et dont elle reste la reine, elle répugne à la laideur morale, et même dans ses manifestations les plus erronées (poèmes purement voluptueux ou d’une mauvaise philosophie) garde sur elle ce décorum, cette blancheur de péplum et de surplis qui écarte le vulgaire obscène ou méchant et s’en fait haïr comme il faut, perfecto odio.

Or, il est impossible de nier que les jeunes poètes du premier Parnasse aient seuls créé, autant par leur fraternelle association d’un jour de rude vaillance que grâce à leurs travaux subséquents, la salutaire agitation d’où est résulté l’heureux, le bienfaisant changement que je viens de rappeler. Cruelles moqueries, injustices criantes, l’indifférence première, plus poignante que tout, du public vraisemblablement compétent, rien ne les découragea, ne les arrêta, n’ébranla un instant en eux la conscience de leur valeur et de l’importance de l’effort tenté. Ils n’avaient pas comme « ceux de 1830 » d’éclatantes polémiques à soutenir, au théâtre, par exemple, derrière des chefs prépotents, non plus