Aller au contenu

Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, IV.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
294
mémoires d’un veuf

time : ce causeur admirable, Banville, si fin, si calme, si réellement aimable avec des dessous d’épigrammes parfois terribles ; Leconte de Lisle, railleur à froid, amer et mordant d’une dent « phorkyade » pour faire un emprunt à ce Gœthe, le seul de ses congénères à lui comparer sans diminution pour l’objectivité magistrale du poète français ; Louis Ménard, doux Athénien pré-socratique aux réveils tigresques de socialiste tumultuaire, le très bienveillant Antony Deschamps, un peu las d’avoir battu


« Avec Dante
Un andante
 »,


un peu éteint, mais débordant d’anecdotes et de souvenirs, tous ces aînés naturellement tenaient le haut bout de la table aux paroles, et se voyaient écoutés avec une familiarité respectueuse de toute cette jeunesse qui par instants aussi parlait et trouvait d’indulgents et paternels auditeurs parmi les maîtres. Heredia, catholique et conservateur, s’entendait à merveille avec Mendès, alors conservateur, et israélite, sans nulle odeur de synagogue ; la belle voix tonnante de celui-là alternait comme chez Théocrite avec l’organe câlin et lent de celui-ci ; d’Hervilly, très spirituel, couvrait d’étincelles Valade, un brun aux pâleurs arabes qui lui ripostait d’un seul mot, mais toujours si joli ! l’excellent gros