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Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, IV.djvu/383

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mes hôpitaux

défrise la quarantaine), l’accent plutôt cul-terreux que faubourien, traînard et bredouillard. Aussi bien, malade non pas imaginaire, ce serait trop peu dire, faux malade, ce serait trop dire, malade sérieusement exprès, ça me semble ça. Soumis au régime lacté froid, il fait bouillir une partie de son lait en cachette, — c’est facile, avant le réveil, à l’office (où il y a nuit et jour un bon feu) — se coupe une bonne soupe chaude qu’il rend presque aussitôt ès une cuvette destinée à être montrée au médecin en chef lors de sa visite de 9 heures, et, l’estomac bien débarrassé, absorbe alors des trempettes au lait frappé à la glace réglementaire. De la sorte, on se ménage de bons mois d’hôpital si un mauvais estomac, et le tour est joué.

Je n’étais pas plutôt introduit par l’interne de service, que j’avais le plaisir de connaître dans la petite salle de six lits où couchait ce Brin d’Amour (nous l’avons, mes compagnons de chambrée et moi, sobriqué ainsi par antiphrase), que celui-ci commença à grommeler presque audiblement contre cette « faveur », — d’ordinaire, c’est le garçon du bureau d’inscription qui amène, puis la surveillante qui installe les nouveaux venus. Mes manières sans façon et ma conversation tout de suite familière avec l’un et l’autre, dès laissé seul avec mes nouveaux « camarades de lit », parurent l’étonner un peu, plutôt favorablement ; puis mes bou-