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mes prisons


Résister n’était plus de mise, et, dûment emmitouflé d’un passe-montagne, de moufles, « couverte » en bandoulière, bidon plein, muni en outre d’une terrine de pâté de perdreaux (!) par ma femme (quantum, celle-là, aussi, mutata !), je m’acheminai, flanqué de mon supérieur, vers le poste, aujourd’hui démoli pour faire place aux bâtiments d’école de l’avenue d’Orléans, tout contre la chapelle Bréa, restée debout et servant de paroisse auxiliaire au quartier, — lieu de détention devenu depuis odieusement célèbre par le massacre par Serizier, en mai 1871, des Pères dominicains d’Arcueil.

Nous arrivâmes deux heures environ après notre assez matinal départ de chez moi, car nous nous étions arrêtés chez de vagues camarades de bataillon un peu marchands de vins, et entre autres stations, à l’entrepôt, tout voisin, des Vins, où d’autres camarades, employés là, nous régalèrent « aux frais de la Princesse » en me souhaitant bon courage pendant ma « captivité ».

Il y avait un greffe où quelques sous-officiers de l’armée citoyenne procédèrent à mon écrou, et une sorte d’immense hangar qui eût été une grange qui eût été l’atelier d’une tribu de peintres ou de sculpteurs en gros, prenant jour d’en haut par un vitrage démesuré mal joint, sommairement meublé de lits de camp tout autour d’un poêle entretenu du dehors et d’un « cabinet » dans un coin, où le