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mes prisons


VI


Ma mémoire qui commencerait à devenir déplorable si je n’y mettais bon ordre et le scandaleux manque de soin que j’apporte dans le rangement de mes « notes » littéraires m’ont naguère fait oublier tout simplement de consigner à sa place un épisode, des plus cuisants d’ailleurs, de ma vie de prisonnier.

Pour boucher bien vite cette lacune, je dirai très vite qu’aussitôt sorti du « dépôt » des Petits-Carmes, je fus mis, dans la même prison, en cellule, sur l’ordre du juge d’instruction, comme qui dirait à Mazas sur place. Ameublement : un hamac et une couverture, une table, un tabouret, un lavabo… et un sceau. Nourriture, une pâtée d’orge ; le dimanche, une pâtée de pois concassés. Boisson, de l’eau à discrétion. Signe particulier, dès le premier jour j’attrapai des… poux.

Avec un peu d’encre soigneusement économisé d’après un encrier prêté par l’administration pour de stricts usages épistolaires, et conservé, au frais, dans un interstice de carrelage, j’écrivis, durant les huit jours ou environ qu’eut lieu cette peu douce prévention, à l’aide d’un petit morceau de bois, les quelques récits diaboliques qui parurent dans mon