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les poètes maudits

Nouveau Monde, comme dans Claire Lenoir, comme dans toutes ses œuvres, Villiers évoque ici le spectre d’une femme mystérieuse, reine d’orgueil, sombre et fière comme la nuit encore et déjà crépusculaire avec des reflets de sang et d’or sur son âme et sur sa beauté.


AU BORD DE LA MER


Au sortir de ce bal nous suivîmes les grèves.
Vers le toit d’un exil, au hasard du chemin,
Nous allions : une fleur se fanait dans sa main.
C’était par un minuit d’étoiles et de rêves.

Dans l’ombre, autour de nous, tombaient des flots foncé ?
Vers les lointains d’opale et d’or, sur l’Atlantique,
L’outre-mer épandait sa lumière mystique.
Les algues parfumaient les espaces glacés.

Les vieux échos sonnaient dans la falaise entière !
Et les nappes de l’onde aux volutes sans frein
Écumaient, lourdement, contre les rocs d’airain.
Sur la dune brillaient les croix d’un cimetière.

Leur silence, pour nous, couvrait ce vaste bruit.
Elles ne tendaient plus, croix par l’ombre insultées,
Les couronnes de deuil, fleurs de mort, emportées
Dans les flots tonnants, par les tempêtes, la nuit.