qu’un jour je m’en irai sans que jamais tu saches où
je suis. » Non, elle ne devait pas réaliser ces paroles,
et la preuve, c’est qu’elle est morte d’un refroidissement contracté en me soignant de la maladie qui
me tient encore. Eh bien, je rêve souvent, presque
toujours, d’elle : nous nous querellons, je sens que
j’ai tort, je vais le lui avouer, implorer la paix, tomber
à ses genoux, plein de quelle peine de l’avoir contristée, de quelle affection désormais toute à elle et
pour elle… Elle a disparu ! et le reste de mon rêve
se perd dans l’angoisse croissante d’une infinie recherche inutile. Au réveil, ô joie ! ma mère ne m’a
pas quitté, tout ça n’est pas vrai, mais, coup toujours terrible, la mémoire me revient : ma mère est
morte, ça c’est vrai !
Il ne faudrait pas conclure de là que je fusse un enfant pervers ou méchant. J’avais mes moments fréquents de gentillesse et il suffit, pour en être convaincu, de voir mon portrait fait quand j’avais quatre ans, portrait dont l’original est actuellement en la possession de mon ami Raymond de la Tailhède qui le tient du si regretté Jules Tellier à qui je l’avais donné. J’y suis représenté en petit bonnet à ruches surmonté d’un bourrelet blanc et bleu. (Mon prénom de Marie m’avait voué à la Sainte Vierge qui s’est souvenue de son filleul vers 1873-74, époque où j’écrivais Sagesse si sincèrement !) On me reconnaît encore dans cette d’ailleurs assez jolie