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confessions

tier paisible d’ordinaire, mais, dès le principe, fortement travaillé dans le sens insurrectionnel… Vers quatre heures du matin, mes hôtes couchés sur des matelas dans la salle à manger, moi dans la chambre nuptiale cette fois déserte, comme l’aube se levait radieuse dans le ciel tout retentissant du bruit infâme de la bataille, — un grand coup de sonnette nous fit tressaillir. Je courus à moitié nu à la porte : ma mère, haletante, avait passé la nuit entière à franchir des barricades assiégés ; tout à l’heure, là, tout près, n’avait-elle pas assisté, rue de Poissy, à un massacre d’ « insurgés », hommes, femmes, enfants.

— Oh, disait-elle en frémissant encore, je suis femme de militaire, mais, aujourd’hui, j’ai l’uniforme et les armes en horreur.

Combien de baisers, n’est-ce pas, et quelle effusion !

— Et ta femme ?

À ce moment un second coup de sonnette se fit entendre. C’était ma femme. Enfin ! Cette fois je l’embrassai bien fort et nous pleurâmes de joie tous trois. On s’occupa de faire évader nos amis compromis, ce qui eut lieu, grâce à ma garde-robe dégarnie et celle un peu aussi, de l’excellent propriétaire d’alors, M. Brazies père qui se prêta, en véritable homme de cœur à cette œuvre de salut. Les fugitifs purent regagner leurs domiciles sains et