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les hommes d’aujourd'hui

et, par quelle étrange association d’idées ? pessimistes et schopenhaueriens (or je vous annonce pour peu que vous y teniez, que je n’ai jamais, pour ma part, lu une ligne du, paraît-il, décourageant Épicure teuton).

C’est alors que Baju vint, et, en vue de congréger « les forces éparses en un faisceau unique », pour me servir de ses propres expressions rapportées au commencement de ce travail, fonda le Décadent, au milieu de quelles difficultés, avec combien de bravoure et de furie, ce n’est rien que de le dire. Dès les premiers numéros il rétablit la vérité, alla droit au but, mit les pieds dans le plat et, fort de sa rédaction vraiment homogène, n’hésita pas à prendre l’offensive en toute témérité vraiment française, et si franche ! Naturellement, les ripostes abondèrent, fourmillèrent, dures, cruelles, mais que lui faisait ! Et il rendait coup pour coup.

Elles ne rencontrèrent pas la même vaillance chez quelques-uns de ses collaborateurs. Plusieurs se séparèrent, fondèrent des journaux éphémères dont l’un, rédigé en chef ou dirigé par René Ghil, s’appela la Décadence, « improprement », dit Baju dans sa récente brochure. Et, selon moi, bien que j’aime beaucoup Ghil qui est un homme charmant et un écrivain des plus savoureux au fond, Baju a raison, et raison d’autant plus qu’à mon sens il a, lui, trouvé le vrai substantif pour exprimer la chose des Déca-