Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, V.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
74
confessions

n’avais aucune idée de cette poésie si éloignée de mon âge, nourri, aussi bien, de plus sages « morceaux choisis… » Même le titre fut pour moi longtemps fermé et j’avais dévoré le bouquin sans y comprendre rien sinon que ça parlait de « perversités » (comme on dit dans les pensionnats de jeunes demoiselles) et de… nudités parfois, double attrait pour ma jeune « corruption », — et j’étais fermement persuadé que le livre s’appelait tout bonnement : Les Fleurs de Mai.

Quoi qu’il en soit, Baudelaire eut à ce moment, sur moi, une influence tout au moins d’imitation enfantine et tout ce que vous voudrez dans cette gamme, mais une influence réelle et qui ne pouvait que grandir et, alors, s’élucider, se logifier avec le temps…

Un certain jour de congé, je « bouquinais », pour, ma foi ! la première fois de ma vie, en compagnie d’un camarade, car on commençait trop tôt, à mon avis d’aujourd’hui, à me laisser sortir seul. Vers le milieu du quai Voltaire, chez un libraire nommé Beauvais, nous avisâmes les Cariatides. — et j’avoue que la lecture de ces vers, charmants en vérité et peut-être plus puissants dans leur bouillante jeunesse que les œuvres plus parfaites de la maturité de Banville, m’empoigna sur-le-champ, bien autrement encore que la condensation et la foncière austérité des Fleurs du Mal