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souvenirs

bien naturel, de voir la déférence affectueuse dont Banville l’entourait. On parlait peu politique, rue de Condé ; mais quand il en était question, le maître savait toujours imposer son lumineux bon sens et la juste largeur de son esprit.

Survint la guerre, qui trouva Banville fièrement patriote et lui inspira les Idylles prussiennes, une œuvre vengeresse, la seule peut-être qui restera de cette période, avec de fort beaux vers de Mendès et de Coppée. Des événements qu’il ne convient pas de raconter ici m’éloignèrent de France et de Paris pendant de longues années, ce qui n’empêcha point le poète de s’intéresser à mes humbles travaux en de précieuses lettres précieusement gardées qui font partie de mes plus chers trésors. La vie, depuis si sévère et parfois si injuste pour moi, m’a, dans ces derniers temps, tenu éloigné de son salon de la rue de l’Éperon ; mais, et c’est là le cas de le dire, le cœur y était. Et ce me fut comme un grand coup au cœur quand, ouvrant l’Écho de Paris, certain matin, j’appris sa mort soudaine. Et moi qui ne sors jamais, infirme et sauvage que je suis, je me départis de ma discrétion habituelle et assistai à ces belles et touchantes funérailles, où, malgré la pluie, l’Intelligence de Paris se pressait. J’ai ressenti rarement une émotion pareille, encore