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souvenirs et promenades

Mme  Hugo se retirait après m’avoir prié, de concert avec lui, à dîner pour le soir, à son tour me fit asseoir à côté de lui, sur le même canapé où je venais d’avoir une conversation si inattendue, non moins que si topique.

À vrai dire j’étais ému. Beaucoup. Dame ! j’étais, comme nous tous, doublement hugolâtre : 1830, le 2 décembre, ces deux dates me hantaient… Pourtant l’homme de génie commençait à m’imposer plus en Victor Hugo que l’homme de parti. Aussi fus-je charmé de son accueil tout littéraire, et si gentiment littéraire !

Oui, j’étais ému ; mais j’étais préparé. Et cette communion d’une heure avec la digne compagne du grand homme, ce quelque chose de lui qui était elle, et sa parole si suggestive, avaient, sinon rompu, du moins brisé ma timidité, et ce fut avec une aise modeste et, mon Dieu, l’avouerai-je, une loquacité respectueuse que je causai avec lui.

Il me cita de mes vers — ô sublime et doux roublard ! Il flatta ma fierté d’enfant par une controverse qu’il souffrit paternellement que je soutinsse à propos de quoi ? des premiers vers, des premiers articles que j’élucubrais alors… Entre autres choses j’ai retenu ceci :

« M. Leconte de Lisle est un poète très remarquable, mais je connais Achille, Vénus,