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souvenirs et promenades

vu sous tant d’aspects que c’en est devenu pour moi, comme on dit, un petit Paris.

Du pittoresque, de jour en jour le cédant, combien a tort ! au goût qu’on appelle moderne et que je déclare éternel parce que c’est le mauvais goût, qu’en dire, sinon que je le regrette cuisamment, que je le pleure avec des larmes de sang, que je suis indigné de son lâche et lent assassinat, et que je vénère avec le fanatisme d’un catholique millénaire, comme dirait M. Léon Bloy, ses reliques dont, par bonheur, je ne suis pas le seul dévot tant en Belgique qu’à Bruxelles, que partout où bat un cœur d’artiste, où brûle un esprit d’homme de goût.

Depuis les plusieurs lustres écoulés à partir de ce 1868 si mémorable pour moi, la capitale brabançonne a perdu une bonne moitié, au moins, de ses vieilles rues aux enseignes si drôles : À la Cigogne, On y couche, par exemple. C’est à peine s’il reste par-ci, par-là, quelques bons vieux « Coings » où la moule et le café au lait, alternant avec ce bon faro aigre et soûlant, désaltèrent et nourrissent encore le Marollien habitueux ou le touriste vraiment sérieux. Et les bons chiens d’antan, allant tout seuls « livrer » les couffes et pistolets tout chauds, dans de petites voitures qu’ils traînaient si adroitement, aux habitants des beaux quartiers, et