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charles baudelaire

sens aiguisés et vibrants, son esprit douloureusement subtil, son cerveau saturé de tabac, son sang brûlé d’alcool, en un mot, le biblio-nerveux par excellence, comme dirait H. Taine. Cette individualité de sensitive, pour ainsi parler, Charles Baudelaire, je le répète, la représente à l’état de type, de héros, si vous voulez bien. Nulle part, pas même chez H. Heine, vous ne la retrouverez si fortement accentuée que dans certains passages des Fleurs du mal. Aussi, selon moi, l’historien futur de notre époque devra, pour ne pas être incomplet, feuilleter attentivement et religieusement ce livre qui est la quintessence et comme la concentration extrême de tout un élément de ce siècle. Pour preuve de ce que j’avance, prenons, en premier lieu, les poèmes amoureux du volume des Fleurs du mal. Comment l’auteur a-t-il exprimé ce sentiment de l’amour, le plus magnifique des lieux communs, et qui, comme tel, a passé par toutes les formes poétiques possibles ? En païen comme Gœthe, en chrétien comme Pétrarque, ou, comme Musset, en enfant? En rien de tout cela, et c’est son immense mérite. Traiter des sujets éternels, — idées ou sentiments, — sans tomber dans la redite, c’est là peut-être tout l’avenir de la poésie, et c’est en tout cas bien certainement là ce qui distingue les véritables