Quand j’étais le Dauphin, il n’y a pas longtemps,
pas assez longtemps de ces temps éclatants
Où j’allais, beau petit bon dieu, dans un nuage
De poudre blanche fleurant fin, et le voyage
Sans cesse, au long de mon carrosse, de pimpants
Cavaliers, dragons verts, marquis bleus, fiers trabans,
Et l’acclamation, autour de foules folles,
Au milieu des drapeaux, des fleurs, des girandoles,
De me voir si gentil, si joli, si petit,
Quand j’étais le Dauphin de France, qui m’eût dit ?
Quand j’étais Monseigneur le Dauphin, l’ample aisance
De prélats en dentelle assistait ma présence
D’une cour éloquente aux suaves façons,
Parlant du ciel avec du miel dans les leçons
Qu’ils prâlinaient « à mon usage », et vers les dames
Vite tournaient sur leurs talons en épigrammes,
En madrigaux après mon catéchisme su.
Enseignement sitôt oublié que reçu,
Excepté d’aimer Dieu par dessus toute chose ;
Ah ! qui m’eût dit, en cette enfance molle et rose,
Ceci ?
Puis, mes parents ! Ce pauvre papa roi,
Cette reine, ma mère et son je ne sais quoi
D’aimable et de hautain, il faut bien que j’en parle,
Ils me baisaient au front, le soir, du nom de Charle,
Et je m’allais coucher, précédé d’un laquais,
Suivi d’un gentilhomme, et sous mes rideaux gais
M’endormais à travers ma prière engourdie,
Charles, Dauphin et dernier Duc de Normandie,
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vive le roy !