Rimez faiblement, assonez si vous voulez,
mais rimez ou assonez, pas de vers français sans
cela.
Quand je dis : rimez faiblement, je m’entends, et je ne veux pas que ma concession signifie : rimez mal.
Musset, hélas ! rime mal. La Fontaine lui a donné le fatal exemple et leur génie ne les absout pas plus que son esprit — en prose, n’absout le d’ailleurs « affreux Voltaire ». (Jamais feu Ponsard, son digne partisan, entre autres, n’aura si bien dit sans le savoir). Voilà, sauf erreur, les deux seules exceptions troublantes. La plupart des bons poètes riment bien, plusieurs riment faiblement. C’est, je crois, Racine qui a commencé à rimer faiblement, en ce sens, par exemple, qu’il se sert souvent d’adjectifs au bout de deux vers, redoutables, épouvantables, qu’il y emploie des mots presque congénères, père, mère, chose que Malherbe eût évitée, qu’il n’a presque jamais la consonne d’appui. Mais chez lui le vers est si nombreux, si long et si mélodieux que ces finales mêmes sont comme une grâce sobre et chaste de plus. Et je ne serais pas éloigné de lui savoir un certain gré d’avoir en quelque sorte innové de cette discrète et légère façon. Il est vrai que je l’aime tant que j’aurais peur, à la fin, d’aimer en lui jusqu’à un défaut.