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critique et conférences

Mme  Vigne, au tragique profil léonin, et cet irrégulier Rouvière, presque parfait là-dedans.

Mais c’était Tragaldabas que je voulais lire ! Comment me le procurer ? J’y arrivai, moi, gamin de dix-huit ans, ayant thésaurisé la forte somme. Il y avait, passage La ferrière, un bouquiniste qui avait, de temps en temps, des lots de livres curieux et rares, et c’est ainsi que je dénichai, entre deux volumes (du temps) de Mme  Putiphar, celui de Champavert ou les Contes immoraux d’un lycanthrope et celui des Rhapsodies, je dénichai, dis-je, et achetai, avec ces trois presque introuvables bouquins, la précieuse comédie que je dévorai et dont je raffole depuis, tant c’est un chef-d’œuvre de fantaisie gigantesque et de grâce hautaine. Dans ces dernières années, l’auteur en publiant en librairie son œuvre de prédilection, l’altéra quelque peu, en supprima ou retoucha trop de passage. J’en parlai un jour à Vacquerie lui-même, qui me dit : « Croyez-vous que cela valût mieux auparavant ? Dans tous les cas, que voulez-vous, il y a bien encore la chose primitive. » Ceci, tristement dit, comme mélancolique, comme vraiment fleurant d’un tout jeune auteur qui voudrait être joué à tout prix. Car Tragaldabas a été sa dernière préoccupation, et l’on se rappelle que tout à fait à la veille de sa mort il venait de retirer sa comédie du Théâtre