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charles baudelaire

les quatrains d’un sonnet et n’en déroule les versets de façon plus imprévue. Mais là où il est sans égal, c’est dans ce procédé si simple en apparence, mais en vérité si décevant et si difficile, qui consiste à faire revenir un vers toujours le même autour d’une idée toujours nouvelle et réciproquement ; en un mot à peindre l’obsession. Lisez plutôt, dans le genre délicat et amoureux, le Balcon, et dans le genre sombre, l’Irrémédiable.

Pour le vers qui est toute une atmosphère, tout un monde, le vers qui, sitôt lu, se fixe dans la mémoire pour n’en sortir jamais et y chante (ne pas confondre avec le vers-proverbe, une horreur !), je ne connais à Baudelaire, parmi les modernes, de rival qu’Alfred de Vigny, et, à tout prendre, je ne sais si aux fameux :


…Puisque vous êtes beau, vous êtes bon sans doute…
…La terre était riante et dans sa fleur première…
…Les longs pays muets longuement s’étendront…


on ne peut pas préférer, comme plus concentrés et plus vivaces encore, ces vers-ci, pris entre mille dans les Fleurs du Mal :


…Le regard singulier d’une femme galante…
…J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans…
…Un soir l’âme du vin chantait dans les bouteilles…