Page:Verlaine - Jadis et Naguère, 1891.djvu/135

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Il dit tout bas une espèce de prière,
Les yeux au ciel où le feu monte en léchant…
Quand retentit un affreux coup de tonnerre
Et c’est la fin de l’allégresse et du chant.

On n’avait pas agréé le sacrifice :
Quelqu’un de fort et de juste assurément
Sans peine avait su démêler la malice
Et l’artifice en un orgueil qui se ment.

Et du palais aux cent tours aucun vestige,
Rien ne resta dans ce désastre inouï.
Afin que par le plus effrayant prodige
Ceci ne fut qu’un vain rêve évanoui…

Et c’est la nuit, la nuit bleue aux mille étoiles ;
Une campagne évangélique s’étend
Sévère et douce, et, vagues comme des voiles,
Les branches d’arbre ont l’air d’ailes s’agitant.

De froids ruisseaux courent sur un lit de pierre
Les doux hiboux nagent vaguement dans l’air
Tout embaumé de mystère et de prière ;
Parfois un flot qui saute lance un éclair.