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Et le bon Olivier et Turpin au grand cœur,
En beaux couplets et sur un rhythme âpre et vainqueur,
Est-ce que, cinquante ans après, dans les batailles,
Les durs Leudes perdant leur sang par vingt entailles,
Ne chantaient pas le chant de geste sans rivaux
De Roland et de ceux qui virent Roncevaux
Et furent de l’énorme et suprême tuerie,
Du temps de l’Empereur à la barbe fleurie ?…

— Aujourd’hui, l’Action et le Rêve ont brisé
Le pacte primitif par les siècles usé,
Et plusieurs ont trouvé funeste ce divorce
De l’Harmonie immense et bleue et de la Force.
La Force, qu’autrefois le Poëte tenait
En bride, blanc cheval ailé qui rayonnait,
La Force, maintenant, la Force, c’est la Bête
Féroce bondissante et folle et toujours prête
À tout carnage, à tout dévastement, à tout
Égorgement, d’un bout du monde à l’autre bout !