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l’épave du cynthia.

L’opération, préparée par les travaux de la matinée, fut plus facile encore qu’on ne l’espérait. Soulevé par le flot, le navire ne demandait en quelque sorte qu’à s’arracher aux pointes de rocher qui le retenaient. Il suffit au remorqueur de se mettre en marche et d’exercer une traction sur les amarres de l’arrière, pour qu’avec un grincement de bois traîné et de bordages déchirés, le navire échappât à la terrible étreinte, et, tout à coup, se retrouvât libre — alourdi, il est vrai, par l’eau qui inondait ses compartiments étanches, privé du secours de son hélice qui avait talonné, et de sa machine qui restait inerte et silencieuse —, mais maniable, après tout, obéissant à la barre et prêt à naviguer, s’il l’avait fallu, sous ses deux focs et son hunier.

Tout l’équipage, assemblé sur le pont, avait suivi avec une émotion assez concevable les péripéties de cet effort décisif, et il salua d’un hurrah la délivrance de l’Alaska. L’aviso français et le remorqueur répondirent à ce cri de joie par des acclamations pareilles. Il était trois heures après midi. Tout près de l’horizon un beau soleil de février inondait de lumière la mer calme et scintillante, qui achevait de recouvrir les sables et les rochers de la Basse-Froide, comme pour effacer jusqu’au souvenir des drames de la nuit.

Le soir même, l’Alaska était en sûreté dans la rade de Lorient. Dès le lendemain, les autorités maritimes françaises, avec une bonne grâce par-