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AUTOUR DE LA LUNE.

noir, il fait froid là où les rayons du Soleil n’arrivent pas directement. Cette température n’est donc autre que la température produite par le rayonnement stellaire, c’est-à-dire celle que subirait le globe terrestre si le Soleil s’éteignait un jour.

— Ce qui n’est pas à craindre, répondit Nicholl.

— Qui sait ? dit Michel Ardan. D’ailleurs, en admettant que le Soleil ne s’éteigne pas, ne peut-il arriver que la Terre s’éloigne de lui ?

— Bon ! fit Barbicane, voilà Michel avec ses idées !

— Eh ! reprit Michel, ne sait-on pas que la Terre a traversé la queue d’une comète en 1861 ? Or, supposons une comète dont l’attraction soit supérieure à l’attraction solaire, l’orbite terrestre se courbera vers l’astre errant, et la Terre, devenue son satellite, sera entraînée à une distance telle que les rayons du Soleil n’auront plus aucune action à sa surface.

— Cela peut se produire, en effet, répondit Barbicane, mais les conséquences d’un pareil déplacement pourraient bien ne pas être aussi redoutables que tu le supposes.

— Et pourquoi ?

— Parce que le froid et le chaud s’équilibreraient encore sur notre globe. On a calculé que si la Terre eût été entraînée par la comète de 1861, elle n’aurait pas ressenti, à sa plus grande distance du Soleil, une chaleur seize fois supérieure à celle que nous envoie la Lune, chaleur qui, concentrée au foyer des plus fortes lentilles, ne produit aucun effet appréciable.

— Eh bien ? fit Michel.

— Attends un peu, répondit Barbicane. On a calculé aussi, qu’à son périhélie, à sa distance la plus rapprochée du Soleil, la Terre aurait supporté une chaleur égale à vingt-huit mille fois celle de l’été. Mais cette chaleur, capable de vitrifier les matières terrestres et de vaporiser les eaux, eût formé un épais anneau de nuages qui aurait amoindri cette température excessive. De là, compensation entre les froids de l’aphélie et les chaleurs du périhélie, et une moyenne probablement supportable.

— Mais à combien de degrés estime-t-on la température des espaces planétaires ? demanda Nicholl.

— Autrefois, répondit Barbicane, on croyait que cette température était excessivement basse. En calculant son décroissement thermométrique, on arrivait à la chiffrer par millions de degrés au-dessous de zéro. C’est Fourier, un compatriote de Michel, un savant illustre de l’Académie des Sciences, qui a ramené ces nombres à de plus justes estimations. Suivant lui, la température de l’espace ne s’abaisse pas au-dessous de soixante degrés.

— Peuh ! fit Michel.