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césar cascabel.

Le fort Youkon, qui est le plus important de la région, occupe un emplacement assez vaste sur la rive droite du fleuve. C’est une sorte de quadrilatère oblong, contre-buté à chaque angle de tours carrées, ressemblant un peu à ces moulins montés sur pivot qui se rencontrent dans le nord de l’Europe. À l’intérieur s’élèvent divers bâtiments réservés au logement des employés de la compagnie et de leurs familles ; puis deux larges hangars fermés, où les peaux et les fourrures forment un stock considérable, des martres, des castors, des renards noirs ou gris d’argent, sans compter les produits de moindre valeur.

Vie monotone, pénible aussi, que mènent ces employés ! Quelquefois de la chair de renne, mais le plus ordinairement de l’élan grillé, bouilli, rôti, c’est là toute leur alimentation. Quant aux denrées d’autres sortes, il faut les faire venir de la factorerie d’York, dans la région de la baie d’Hudson, c’est-à-dire de six ou sept cents lieues, et il s’ensuit que les arrivages sont rares.

Dans l’après-midi, une fois leur campement installé, M. Casbabel et sa famille allèrent visiter les indigènes, établis entre les rives du Youkon et de la Porcupine.

Quelle diversité dans ces habitations provisoires, suivant la tribu à laquelle elles appartenaient : huttes d’écorce et de peaux, soutenues sur des pieux et recouvertes d’une ramure de feuillage ; tentes faites avec ce coutil de coton qui est de fabrication indienne, baraques de planches qui se montent et se démontent selon les besoins du moment.

Et aussi, quel amusant bariolage de costumes ! Aux uns des vêtements de peau, aux autres des vêtements de cotonnade, tous ayant la tête enguirlandée de feuillage pour se préserver contre la morsure des moustiques. Les femmes, vêtues d’une jupe carrée par le bas, ont le visage orné de coquilles. Quant aux hommes, ils portent des épinglettes qui servent, pendant l’hiver, à rattacher leur longue robe de peau d’élan, dont la fourrure est à l’intérieur. Au surplus, les deux sexes font étalage de franges de perles fausses, qui sont uniquement appréciées pour leur grosseur. Parmi ces diverses tribus