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une idée de cornélia cascabel.

cessivement ses bouteilles, ses assiettes, ses boules, ses couteaux, ses disques, ses bâtonnets, et l’on peut dire qu’il se surpassa dans ses exercices.

M. Cascabel ne put s’empêcher de jeter sur les Indiens un regard de satisfaction dans lequel on sentait comme une sorte de défi. Il semblait dire en se tournant vers le groupe masqué :

« Eh bien ! vous autres, faites-en donc autant ! »

Cela fut compris sans doute car, sur un geste du tyhi, un autre Indien, se démasquant, s’élança hors du groupe.

C’était le magicien Fir-Fu ; lui aussi, avait sa réputation à soutenir en l’honneur de la race indigène.

Et alors, saisissant l’un après l’autre les ustensiles dont Jean avait fait usage, le voilà qui reprend un à un les exercices de son rival, croisant les couteaux et les bouteilles, les disques et les anneaux, les boules et les bâtonnets et cela, il faut bien l’avouer, avec une élégance d’attitude et une sûreté de mains égales à celle de Jean Cascabel.

Clou, habitué à n’admirer que le patron et sa famille, était absolument interloqué, « ouvrant des yeux comme des chatières et faisant des oreilles comme son chapeau ».

Cette fois, M. Cascabel n’applaudit que par politesse et du bout des doigts.

« Mâtin ! murmura-t-il, ils vont bien les Peaux-Rouges !… Voyez-vous cela !… Des gens sans éducation ! Eh bien ! nous allons leur en remontrer ! »

Au fond, il était très décontenancé d’avoir trouvé des concurrents là où il ne croyait trouver que des admirateurs. Et quels concurrents ? De simples indigènes de l’Alaska, autant dire des sauvages ! Son amour-propre d’artiste en fut singulièrement rabattu. Que diable ! on est saltimbanque ou on ne l’est pas !

« Allons, enfants, s’écria-t-il d’une voix tonnante, à la pyramide humaine ! »

Et tous se précipitèrent vers lui, comme à un assaut. Il s’était solide-