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du fort-youkon à port-clarence.

jusqu’au confluent du Co-Youkon, qui lui envoie ses eaux par deux branches tortueuses. Il fallut près d’une journée pour trouver une passe guéable que Kayette ne reconnut pas sans peine, car le niveau du courant s’était déjà élevé.

Cet affluent une fois franchi, la Belle-Roulotte reprit la direction du sud, et redescendit à travers une contrée assez accidentée jusqu’au fort de Noulato.

Ce poste, dont l’importance commerciale est grande, appartient à la Compagnie russo-américaine. C’est la factorerie la plus septentrionale qui ait été établie dans l’Ouest-Amérique, puisque, d’après les observations de Frederic Whimper, elle est située par 64°42’ de latitude et 155°36’ de longitude.

En cette partie de la province alaskienne, il eût été difficile de se croire sous un parallèle aussi élevé. Le sol y est incontestablement plus fertile qu’aux environs du fort Youkon. Partout des arbres d’une belle venue, partout des prairies tapissées d’une herbe verdoyante, sans parler des vastes plaines que l’agriculteur pourrait cultiver avec profit, car un humus épais en recouvre le sol argileux. En outre, l’eau s’y répand largement, grâce aux dérivations de la rivière Noulato, qui coule vers le sud-ouest, et au réseau de ces creeks ou cargouts, qui s’étend vers le nord-est. Malgré cela, la production végétale y est réduite à quelques buissons, chargés de baies sauvages, abandonnés au seul caprice de la nature.

Voici quelles sont les dispositions du fort Noulato : autour des bâtiments, un circuit de palissades, défendu par deux tours, qu’il est interdit aux Indiens de franchir pendant la nuit, et même pendant le jour, s’ils sont nombreux ; à l’intérieur de l’enceinte, des cabanes, des hangars et des magasins en planches, avec fenêtres vitrées de vessies de phoques. On le voit, rien de plus rudimentaire que ces postes de l’extrême Nord-Amérique.

Là, M. Cascabel et les siens furent accueillis avec empressement. En ces endroits perdus du Nouveau Continent, en dehors de toutes communications régulières, n’est-ce pas toujours plus qu’une distrac-