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port-clarence.

tique. Ces tribus alaskiennes ne comprennent même pas la langue qui se parle à l’ouest du détroit de Behring. Mais, leur idiome étant très mélangé de mots anglais et russes, il n’était pas trop difficile de converser avec eux.

Il s’ensuit que, dès les premiers jours de son installation, la famille Cascabel voulut se mettre en rapport avec les indigènes disséminés autour de Port-Clarence. Ayant été hospitalièrement reçue dans les tentes de ces braves gens, elle n’hésita point à leur ouvrir les portes de la Belle-Roulotte — ce dont personne n’eut à se repentir.

Ces Esquimaux sont, d’ailleurs, beaucoup plus civilisés que le public ne le croit généralement. On se les figure comme des sortes de phoques de l’espèce parlante, des amphibies à face humaine, à en juger par les vêtements qu’ils ont l’habitude de porter, surtout pendant la saison d’hiver. Il n’en est rien et, à Port-Clarence, les représentants de la race esquimaude ne sont ni répugnants à voir ni désagréables à fréquenter. Quelques-uns poussent même le respect de la mode jusqu’à s’habiller presque à l’européenne. La plupart obéissent à une certaine coquetterie, qui admet l’ajustement en peau de renne ou de phoque, le « pask » en fourrure de marmotte, le tatouage de la figure, c’est-à-dire quelques légères traces de dessins appliquées sur le menton. Les hommes ont la barbe courte et rare ; au coin des lèvres, trois trous, percés avec art, leur permettent d’y suspendre de petits anneaux en os sculpté, et le cartilage de leur nez reçoit aussi quelques ornements de ce genre.

En somme, les Esquimaux qui vinrent rendre leurs devoirs à la famille Cascabel n’avaient point un fâcheux aspect, — cet aspect que présentent trop souvent les Samoyèdes ou autres indigènes du littoral asiatique. Les jeunes filles portaient à leurs oreilles des rubans de perles, à leurs bras des bracelets de fer ou de cuivre assez finement travaillés.

Il faut également noter que c’étaient d’honnêtes gens, pleins de