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adieux au nouveau-continent.

le prince Wassili Narkine, M. Serge agirait au mieux de ses intérêts. Puisqu’il aurait franchi l’Asie, sans laisser derrière lui aucune trace que la police pût saisir, il se déciderait suivant les circonstances.

À la vérité, si, contre toute probabilité, il était reconnu pendant son passage en Sibérie, cela pourrait avoir de terribles conséquences pour lui, et aussi pour la famille. Pourtant ni M. Cascabel ni sa femme ne voulaient tenir compte de ce danger, et s’ils avaient consulté leurs enfants à ce sujet, ceux-ci auraient approuvé leur conduite. Mais le secret du comte Narkine devait être sévèrement gardé : ce serait uniquement M. Serge qui continuerait à être leur compagnon de voyage.

Plus tard, le comte Narkine saurait certainement reconnaître le dévouement de ces honnêtes Français, bien que M. Cascabel ne voulût d’autre récompense que le plaisir de l’avoir obligé, tout en jouant la police moscovite.

Par malheur, ce que ni l’un ni l’autre ne pouvaient imaginer, c’est que leur plan allait être gravement compromis dès le début. En débarquant sur l’autre rive du détroit, ils ne manqueraient pas d’être exposés aux plus grands périls, et arrêtés par les agents russes de la Sibérie.

En effet, le lendemain même du jour où ce projet avait été formé, deux hommes causaient en se promenant à l’extrémité du port, dans un endroit où leur conversation ne pouvait être entendue de personne.

C’étaient ces deux agents dont il a été question, et que la présence de M. Serge parmi les hôtes de la Belle-Roulotte avait surpris et intrigués.

Établis à Sitka depuis plusieurs années, et chargés de la surveillance de la province au point de vue politique, leur mission, on le sait, consistait à observer les agissements des réfugiés aux environs de la frontière colombienne, à les signaler au gouverneur de l’Alaska, et à mettre en état d’arrestation ceux qui tentaient de la franchir. Or, ce qui était grave, c’est que, s’ils ne connaissaient pas le comte