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adieux au nouveau-continent.

même temps que le comte Narkine, et nous n’aurons plus qu’à lui mettre la main sur l’épaule !

— Soit, mais j’aimerais mieux le devancer à Numana, afin de prévenir la police du littoral, qui nous prêterait main-forte au besoin !

— C’est ce que nous ferons, à moins d’événements imprévus reprit le premier agent. Ces saltimbanques seront forcés d’attendre que la glace soit assez solide pour porter leur voiture ; tandis qu’il nous sera très facile de prendre les devants. Restons donc à Port-Clarence, et continuons d’observer le comte Narkine, sans qu’il soupçonne rien. S’il doit se défier des fonctionnaires russes qui quittent l’Alaska pour rentrer en Europe, il ne peut supposer que nous l’ayons reconnu. Il partira, nous l’arrêterons à Numana, et nous n’aurons plus qu’à le conduire sous bonne escorte à Petropavlovsk ou à Iakoutsk…

— Et au cas où ses bateleurs voudraient le défendre… fit observer le second agent.

— Il leur en coûterait cher d’avoir favorisé la rentrée en Russie d’un évadé politique ! »

Ce plan, très simplement conçu, devait réussir, puisque le comte Narkine ignorait qu’il eût été reconnu, et puisque la famille Cascabel ne savait pas qu’elle fût l’objet d’une surveillance spéciale. Ainsi ce voyage, si heureusement commencé, risquait de mal finir pour M. Serge et ses compagnons.

Et, pendant que se tramait cette machination, tous étaient à la pensée qu’ils ne se sépareraient pas, qu’ils se dirigeraient ensemble vers la Russie. Quelle joie en éprouvaient plus particulièrement Jean et Kayette !

Il va sans dire que les deux agents avaient gardé pour eux le secret qu’ils allaient exploiter. Aussi personne à Port-Clarence n’eût pu s’imaginer que, parmi les hôtes de la Belle-Roulotte, il y eût un personnage de l’importance du comte Serge Narkine.

Il était encore difficile de fixer le jour du départ. On suivait avec une extrême impatience les modifications de cette température véritablement anormale et, ainsi que le déclarait M. Cascabel,