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entre deux courants.

ajouta Jean. Ils sont, c’est évident, dus à l’insuffisante agrégation des glaces…

— Oui, cela est une preuve, répondit M. Serge, et il y en a aussi une autre…

— Laquelle ?… demanda Jean.

— Celle-ci qui me paraît non moins probante : c’est la présence de ces milliers de phoques que leur instinct a poussés à envahir l’îlot Diomède. Sans doute, après avoir quitté les hauts parages de cette mer, ces animaux se dirigeaient vers l’île de Behring ou les îles Aléoutiennes, quand ils ont prévu quelque trouble prochain. Ils auront senti qu’il ne fallait pas rester sur l’icefield. Est-ce une dislocation qui se prépare sous l’influence de la température, ou bien va-t-il se produire quelque phénomène sous-marin, qui rompra le champ de glace ? je ne sais. Mais, si nous sommes pressés de gagner la côte sibérienne, ces amphibies ne doivent pas être moins pressés de gagner leurs rookeries de l’île Behring ou des îles Pribyloff, et, puisqu’ils se sont arrêtés sur l’îlot Diomède, c’est qu’ils ont eu de très sérieuses raisons pour le faire.

— Et alors quel est votre avis, monsieur Serge ?… demanda M. Cascabel.

— Mon avis est de demeurer ici, tant que les phoques ne nous auront pas indiqué, en partant eux-mêmes, qu’il n’y a pas de danger à se remettre en route.

— Diable !… Voilà un satané contretemps !

— Il n’est pas bien grave, père, répondit Jean, et souhaitons de n’en jamais éprouver qui le soient davantage !

— D’ailleurs, cet état de choses ne saurait durer, ajouta M. Serge. Si peu précoce que soit l’hiver, cette année, nous voilà bientôt à la fin d’octobre, et, quoique le thermomètre ne marque en ce moment que zéro, il peut tomber d’un jour à l’autre d’une vingtaine de degrés. Que le vent vienne à sauter au nord, l’icefield sera aussi solide qu’un continent. Donc, mon avis très réfléchi est d’attendre, si rien ne nous oblige à partir. »