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les îles liakhoff.

articulés, sortirent de son bec ! Tout le répertoire du loquace animal y passa — à l’extrême stupéfaction des indigènes. Un oiseau qui parlait !… Et, superstitieux comme ils l’étaient, les voilà qui se jettent à terre, aussi épouvantés que si des paroles se fussent échappées de la bouche de leurs divinités. Et M. Cascabel, qui s’amusait à exciter son perroquet :

« Va, Jako ! s’écriait-il, en lui faisant des agaceries. Ne te gêne pas, Jako, et dis-leur flûte à ces imbéciles ! »

Et Jako disait flûte — un de ses mots favoris. Et il le disait avec un tel éclat de fanfare, que les indigènes finirent par décamper, en donnant des marques de la plus vive terreur. En dépit de ses inquiétudes, « ce qu’elle riait, la famille ! » ainsi qu’eût dit son illustre chef.

« Allons !… allons ! reprit-il, en retrouvant un peu de sa bonne humeur, ce sera bien le diable, si nous n’arrivons pas à ficher dedans ce troupeau de brutes ! »

Les prisonniers étaient restés seuls, et puisqu’il semblait que Tchou-Tchouk laissait la Belle-Roulotte à leur disposition, ils n’avaient rien de mieux à faire qu’à réintégrer leur demeure habituelle. Sans doute, ces néo-Sibériens la trouvaient très inférieure à leurs trous creusés sous la neige.

À vrai dire, le véhicule n’avait été dépouillé que de certains objets sans importance, mais aussi de ce qui restait d’argent à M. Serge, — argent que César Cascabel se promettait bien de ne pas abandonner même sous forme de rançon. En attendant, c’était une heureuse chance que de retrouver le salon, la salle à manger, les chambres de la Belle-Roulotte, au lieu d’habiter les infectes tanières de Tourkef. Rien n’y manquait. La literie, les ustensiles, les provisions de conserves, paraît-il, n’avaient point eu l’heur de plaire à messieurs et mesdames les indigènes. S’il fallait hiverner, en guettant l’occasion de s’échapper de l’île Kotelnyï, eh bien ! c’est là que se passerait l’hivernage.

Entre-temps, puisqu’on leur laissait entière liberté d’aller et de