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césar cascabel.

Ce soir-là — 6 juillet —, l’attelage, très surmené, s’arrêta près de l’entrée d’une gorge tortueuse, qu’un bois épais flanquait sur la droite.

La chaleur avait été étouffante pendant cette journée. Vers l’est, de gros nuages, nettement coupés d’une longue barre à leur partie inférieure, tranchaient avec les vapeurs livides de l’horizon.

« Nous allons avoir de l’orage, dit Jean.

— C’est fâcheux, répondit Ortik, car les orages sont quelquefois terribles dans l’Oural.

— Eh bien, nous nous mettrons à l’abri ! répondit M. Cascabel. J’aime encore mieux l’orage que les loups !

— Kayette, demanda Napoléone à la jeune Indienne, est-ce que tu as peur du tonnerre ?

— Non, ma chérie, répondit Kayette.

— Tu as raison, petite Kayette, ajouta Jean. Il ne faut point avoir peur.

— Tiens ! s’écria Napoléone en haussant les épaules, quand on ne peut pas s’en empêcher !…

— Oh !… la poltronne ! répliqua Sandre. Mais, nigaude, le tonnerre, ce n’est qu’un gros jeu de boules !

— Oui !… des boules de feu, qui vous tombent sur la tête, des fois ! » répliqua la fillette, en fermant les yeux devant un vif éclair.

On se hâta d’organiser le campement, afin que chacun pût se mettre à couvert avant l’orage. Puis, après le souper, il fut décidé que les hommes veilleraient tour à tour, comme les nuits précédentes.

M. Serge allait se proposer, lorsque Ortik le prévint, en disant :

« Voulez-vous que nous commencions la veillée, Kirschef et moi ?…

— Comme vous voudrez, répondit M. Serge. À minuit, je viendrai avec Jean vous relever.

— C’est entendu, monsieur Serge », répondit Ortik.

Cette proposition, si naturelle pourtant, parut suspecte à Kayette,