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une longue journée.

Habituellement, M. Cascabel donnait ses représentations en plein air, après avoir tendu une toile circulaire en avant de la Belle-Roulotte. Mais, il se trouvait que la grande Place de Perm’ possédait un cirque en planches, qui servait aux exercices des troupes équestres. Bien que cette bâtisse fût assez délabrée, laissant passer le vent et la pluie, elle était solide encore, et pouvait contenir deux cents à deux cent cinquante spectateurs.

En somme, tel qu’il était, ce cirque convenait mieux que la toile de M. Cascabel. Celui-ci demanda au maire l’autorisation de l’utiliser pendant son séjour dans la ville, et cette autorisation lui fut gracieusement accordée.

Décidément, c’étaient de braves gens, ces Russes — bien qu’il y eût parmi eux des Ortiks et autres bandits de cette espèce ! Et en quel pays ne s’en trouve-t-il pas ! Quant au cirque de Perm, il ne serait point déshonoré par les représentations qu’allait y donner la troupe Cascabel. Son directeur ne regrettait qu’une chose : c’était que Sa Majesté le czar Alexandre II ne fût pas de passage en cette cité. Mais, comme il était à Saint-Pétersbourg, il eût été difficile qu’il assistât à cette soirée d’inauguration.

Toutefois, une préoccupation de César Cascabel, c’était que son personnel ne fût quelque peu rouillé en matière de culbutes, danses, tours de force et autres jeux. Les exercices, suspendus depuis l’entrée de la Belle-Roulotte dans le défilé de l’Oural, n’avaient pas été repris pendant le reste du voyage. Bah ! de vrais artistes ne doivent-ils pas être toujours prêts à briller dans leur art ?

Quant à leur pièce, il était inutile de la répéter. On l’avait jouée si souvent — et sans souffleur — que cela n’était pas pour préoccuper les chefs d’emploi.

Cependant Ortik avait quelque peine à ne point laisser voir l’inquiétude que lui causait l’absence prolongée de M. Serge. L’entrevue de la veille n’ayant pas eu lieu, il avait dû prévenir ses complices que l’affaire était remise de vingt-quatre heures. Aussi se demandait-il pourquoi M. Serge n’avait point reparu à Perm, bien que M. Cas-