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césar cascabel.

conduit de Perm au village de Walska, par laquelle la police aurait ramené M. Serge si elle se fût emparée de sa personne. Et, toutes les fois qu’il apercevait au loin quelque groupe de passants, il se figurait que c’était le prisonnier, escorté d’un peloton de Cosaques !

Dans le désarroi de ses idées, M. Cascabel ne songeait même plus à sa femme, à ses enfants, à lui-même, si compromis pour le cas où le comte Narkine aurait été arrêté ! En effet, il ne serait que trop facile aux autorités d’apprendre dans quelles conditions M. Serge avait pu rentrer sur les territoires russes, et quels étaient les braves gens qui avaient favorisé son retour. Et cela pourrait coûter chez à la famille Cascabel !

Bref, de ces diverses allées et venues de M. Cascabel, de ses stations prolongées sur la route de Walska, il résultat qu’il ne se trouvait point au cirque lorsqu’un homme vint demander à le voir, vers dix heures du matin.

Clou-de-Girofle était seul à ce moment, se démenant au milieu d’un nuage de poussière, qui flottait au-dessus de la piste. Il en sortit en apercevant cet homme qui était tout simplement un moujik. Clou ne connaissant pas plus la langue dudit moujik que ledit moujik ne connaissait la langue de Clou, il leur fut impossible de s’entendre. Aussi Clou ne comprit-il pas un traître mot, lorsque son interlocuteur lui dit qu’il désirait parler à son maître, et qu’il était venu le trouver au cirque avant d’aller à la Belle-Roulotte. Et alors le moujik fit ce qu’il aurait dû faire tout d’abord : il tendit une lettre à l’adresse de M. Cascabel.

Clou comprit, cette fois. Une lettre portant le nom fameux des Cascabel ne pouvait être destinée qu’au chef de la famille… à moins que ce ne fût à Mme  Cornélia, ou à M. Jean, ou à M. Sandre, ou à Mlle  Napoléone.

Aussi Clou prit-il la lettre, en faisant comprendre par un geste qu’il se chargeait de la remettre à son patron. Puis, il congédia le moujik avec nombre de salutations, mais sans avoir pu savoir d’où il venait et qui l’avait envoyé.