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césar cascabel.

mout et Gladiator furent attelés à la Belle-Roulotte. Mme Cascabel y prit place avec Napoléone, laissant son mari et ses deux garçons aller à pied, tandis que Clou tiendrait les guides. Quant à John Bull, il s’était perché sur la galerie, et les deux chiens étaient déjà en avant.

Il faisait beau. Le renouveau gonflait de sève les premiers bourgeons des arbustes. Le printemps préludait à toutes ces magnificences qu’il déploie à profusion au milieu des horizons californiens. Les oiseaux chantaient sous la verdure des arbres à feuilles persistantes, les chênes-verts, les chênes-blancs, les pins, dont la svelte tige se balançait au-dessus des corbeilles de bruyères. Çà et là se groupaient des marronniers de petite taille, et quelques échantillons de ces pommiers, dont la pomme, sous le nom de mazanille, sert à la fabrication du cidre indien.

Tout en contrôlant sur sa carte l’itinéraire convenu, Jean n’oubliait pas qu’il était plus particulièrement chargé d’approvisionner l’office de venaison fraîche. D’ailleurs, Marengo ne lui eût pas laissé oublier. Bon chasseur et bon chien sont faits pour s’entendre. Jamais ils ne se comprennent mieux que là où le gibier abonde, et c’était bien le cas. Il était rare que Mme Cascabel n’eût pas à accommoder un lièvre, une perdrix huppée, un coq de bruyère ou quelque couple de ces cailles de montagnes, aux élégantes aigrettes, dont la chair parfumée constitue un manger excellent. En remontant jusqu’au détroit de Behring, si la chasse continuait à être aussi productive à travers les plaines de l’Alaska, la famille n’aurait pas grande dépense à faire pour assurer sa nourriture de chaque jour. Peut-être au-delà, sur le continent asiatique, serait-elle moins chanceuse ? Mais on aviserait, lorsque la Belle-Roulotte serait engagée dans les interminables steppes du pays des Tchouktchis.

Aussi, tout marchait à souhait, M. Cascabel n’était pas homme à négliger les circonstances favorables de temps et de température dont on jouissait alors. On allait aussi vite que le permettait l’attelage, en profitant des routes que les pluies estivales rendraient