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l’Afrique sont les plus beaux. Les Anderson, les Cumming les ont tellement chassés aux environs du Cap, qu’ils émigrent vers l’équateur, où nous les rencontrerons souvent en troupes nombreuses.

— En attendant, répondit Joe, j’espère que nous goûterons un peu de celui-là ! Je m’engage à vous procurer un repas succulent aux dépens de cet animal. M. Kennedy va chasser pendant une heure ou deux, M. Samuel va passer l’inspection du Victoria, et, pendant ce temps, je vais faire la cuisine.

— Voilà qui est bien ordonné, répondit le docteur. Fais à ta guise.

— Pour moi, dit le chasseur, je vais prendre les deux heures de liberté que Joe a daigné m’octroyer.

— Va, mon ami ; mais pas d’imprudence. Ne t’éloigne pas.

— Sois tranquille. »

Et Dick, armé de son fusil, s’enfonça dans le bois.

Alors Joe s’occupa de ses fonctions. Il fit d’abord dans la terre un trou profond de deux pieds ; il le remplit de branches sèches qui couvraient le sol et provenaient des trouées faites dans le bois par les éléphants dont on voyait les traces. Le trou rempli, il entassa au-dessus un bûcher haut de deux pieds, et il y mit le feu.

Ensuite il retourna vers le cadavre de l’éléphant, tombé à dix toises du bois à peine ; il détacha adroitement la trompe qui mesurait près de deux pieds de largeur à sa naissance ; il en choisit la partie la plus délicate, et y joignit un des pieds spongieux de l’animal ; ce sont en effet les morceaux par excellence, comme la bosse du bison, la patte de l’ours ou la hure du sanglier.

Lorsque le bûcher fut entièrement consumé à l’intérieur et à l’extérieur, le trou, débarrassé des cendres et des charbons, offrit une température très élevée ; les morceaux de l’éléphant, entourés de feuilles aromatiques, furent déposés au fond de ce four improvisé, et recouverts de cendres chaudes ; puis, Joe éleva un second bûcher sur le tout, et quand le bois fut consumé, la viande était cuite à point.

Alors Joe retira le dîner de la fournaise ; il déposa cette viande appétissante sur des feuilles vertes, et disposa son repas au milieu d’une magnifique pelouse ; il apporta des biscuits, de l’eau-de-vie, du café, et puisa une eau fraîche et limpide à un ruisseau voisin.

Ce festin ainsi dressé faisait plaisir à voir, et Joe pensait, sans être trop fier, qu’il ferait encore plus de plaisir à manger.

« Un voyage sans fatigue et sans danger ! répétait-il. Un repas à ses heures ! un hamac perpétuel ! qu’est-ce que l’on peut demander de plus ? Et ce bon M. Kennedy qui ne voulait pas venir ! »