bientôt une immensité de sable s’emparerait de cette région désolée.
Cependant on ne pouvait reculer ; il fallait aller en avant ; le docteur ne demandait pas mieux ; il eût souhaité une tempête pour l’entraîner au delà de ce pays. Et pas un nuage au ciel ! À la fin de cette journée, le Victoria n’avait pas franchi trente milles.
Si l’eau n’eût pas manqué ! Mais il en restait en tout trois gallons[1] ! Fergusson mit de côté un gallon destiné à étancher la soif ardente qu’une chaleur de quatre-vingt-dix degrés[2] rendait intolérable ; deux gallons restaient donc pour alimenter le chalumeau ; ils ne pouvaient produire que quatre cent quatre-vingts pieds cubes de gaz ; or le chalumeau en dépensait neuf pieds cubes par heure environ ; on ne pouvait donc plus marcher que pendant cinquante-quatre heures. Tout cela était rigoureusement mathématique.
« Cinquante-quatre heures ! dit-il à ses compagnons. Or, comme je suis bien décidé à ne pas voyager la nuit, de peur de manquer un ruisseau, une source, une mare, c’est trois jours et demi de voyage qu’il nous reste, et pendant lesquels il faut trouver de l’eau à tout prix. J’ai cru devoir vous prévenir de cette situation grave, mes amis, car je ne réserve qu’un seul gallon pour notre soif, et nous devrons nous mettre à une ration sévère.
— Rationne-nous, répondit le chasseur ; mais il n’est pas encore temps de se désespérer ; nous avons trois jours devant nous, dis-tu ?
— Oui, mon cher Dick.
— Eh bien ! comme nos regrets ne sauraient qu’y faire, dans trois jours il sera temps de prendre un parti ; jusque-là redoublons de vigilance. »
Au repas du soir, l’eau fut donc strictement mesurée ; la quantité d’eau-de-vie s’accrut dans les grogs ; mais il fallait se défier de cette liqueur plus propre à altérer qu’à rafraîchir.
La nacelle reposa pendant la nuit sur un immense plateau qui présentait une forte dépression. Sa hauteur était à peine de huit cents pieds au-dessus du niveau de la mer. Cette circonstance rendit quelque espoir au docteur ; elle lui rappela les présomptions des géographes sur l’existence d’une vaste étendue d’eau au centre de l’Afrique. Mais, si ce lac existait, il y fallait parvenir ; or, pas un changement ne se faisait dans le ciel immobile.
À la nuit paisible, à sa magnificence étoilée, succédèrent le jour immuable et les rayons ardents du soleil ; dès ses premières lueurs, la température devenait brûlante. À cinq heures du matin, le docteur donna le signal