« Cependant, mon cher Dick, reprit le docteur, tu oublies promptement. Et ce lion, et cette lionne ?
— Ça ! fit-il avec le dédain du vrai chasseur pour l’animal abattu ! Mais, au fait, leur présence dans cette oasis peut faire supposer que nous ne sommes pas très éloignés de contrées plus fertiles.
— Preuve médiocre, Dick ; ces animaux-là, pressés par la faim ou la soif, franchissent souvent des distances considérables ; pendant la nuit prochaine, nous ferons même bien de veiller avec plus de vigilance et d’allumer des feux.
— Par cette température, fit Joe ! Enfin, si cela est nécessaire, on le fera. Mais j’éprouverai une véritable peine à brûler ce joli bois, qui nous a été si utile.
— Nous ferons surtout attention à ne pas l’incendier, répondit le docteur, afin que d’autres puissent y trouver quelque jour un refuge au milieu du désert !
— On y veillera, monsieur ; mais pensez-vous que cette oasis soit connue ?
— Certainement. C’est un lieu de halte pour les caravanes qui fréquentent le centre de l’Afrique, et leur visite pourrait bien ne pas te plaire, Joe.
— Est-ce qu’il y a encore par ici de ces affreux Nyam-Nyam ?
— Sans doute, c’est le nom général de toutes ces populations, et, sous le même climat, les mêmes races doivent avoir des habitudes pareilles.
— Pouah ! fit Joe ! Après tout, cela est bien naturel ! Si des sauvages avaient les goûts des gentlemen, où serait la différence ? Par exemple, voilà des braves gens qui ne se seraient pas fait prier pour avaler le beefsteak de l’Écossais, et même l’Écossais par-dessus le marché. »
Sur cette réflexion très sensée, Joe alla dresser ses bûchers pour la nuit, les faisant aussi minces que possible. Ces précautions furent heureusement inutiles, et chacun s’endormit tour à tour dans un profond sommeil.
Le lendemain, le temps ne changea pas encore ; il se maintenait au beau avec obstination. Le ballon demeurait immobile, sans qu’aucune oscillation ne vînt trahir un souffle de vent.
Le docteur recommençait à s’inquiéter : si le voyage devait ainsi se prolonger, les vivres seraient insuffisants. Après avoir failli succomber faute d’eau, en serait-on réduit à mourir de faim ?
Mais il reprit assurance en voyant le mercure baisser très sensiblement dans le baromètre ; il y avait des signes évidents d’un changement prochain dans l’atmosphère ; il résolut donc de faire ses préparatifs de départ