pour conclure, nous sommes partis trois comme Denham, Clapperton, Overweg, comme Barth, Richardson et Vogel, et, plus heureux que nos devanciers, tous trois nous nous retrouvons encore ! Mais il est bien important de ne pas nous séparer. Si pendant que l’un de nous est à terre, le Victoria devait s’enlever pour éviter un danger subit, imprévu, qui sait si nous le reverrions jamais ? Aussi, je le dis franchement à Kennedy, je n’aime pas qu’il s’éloigne sous prétexte de chasse.
— Tu me permettras pourtant bien, ami Samuel, de me passer encore cette fantaisie ; il n’y a pas de mal à renouveler nos provisions ; d’ailleurs, avant notre départ, tu m’as fait entrevoir toute une série de chasses superbes, et jusqu’ici j’ai peu fait dans la voie des Anderson et des Cumming.
— Mais, mon cher Dick, la mémoire te fait défaut, ou ta modestie t’engage à oublier tes prouesses ; il me semble que, sans parler du menu gibier, tu as déjà une antilope, un éléphant et deux lions sur la conscience.
— Bon ! qu’est-ce que cela pour un chasseur africain qui voit passer tous les animaux de la création au bout de son fusil ? Tiens ! tiens ! regarde cette troupe de girafes !
— Ça, des girafes ! fit Joe, elles sont grosses comme le poing !
— Parce que nous sommes à mille pieds au-dessus d’elles ; mais, de près, tu verrais qu’elles ont trois fois ta hauteur.
— Et que dis-tu de ce troupeau de gazelles ? reprit Kennedy, et ces autruches qui fuient avec la rapidité du vent ?
— Ça ! des autruches ! fit Joe, ce sont des poules, tout ce qu’il y a de plus poules !
— Voyons, Samuel, ne peut-on s’approcher ?
— On peut s’approcher, Dick, mais non prendre terre. À quoi bon, dès lors, frapper ces animaux qui ne te seront d’aucune utilité ? S’il s’agissait de détruire un lion, un chat-tigre, une hyène, je le comprendrais ; ce serait toujours une bête dangereuse de moins ; mais une antilope, une gazelle, sans autre profit que la vaine satisfaction de tes instincts de chasseur, cela n’en vaut vraiment pas la peine. Après tout, mon ami, nous allons nous maintenir à cent pieds du sol, et si tu distingues quelque animal féroce, tu nous feras plaisir en lui envoyant une balle dans le cœur. »
Le Victoria descendit peu à peu, et se maintint néanmoins à une hauteur rassurante. Dans cette contrée sauvage et très peuplée, il fallait se défier de périls inattendus.
Les voyageurs suivaient directement alors le cours du Shari ; les bords charmants de ce fleuve disparaissaient sous les ombrages d’arbres aux