Page:Verne - Cinq Semaines en ballon.djvu/195

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— Eh bien ! nous nous défendrons, Samuel ! Nous avons un arsenal pour les recevoir ! je ne pense pas que ces animaux-là soient bien redoutables !

— Qui sait ? » répondit le docteur.

Dix minutes après, la troupe s’était approchée à portée de fusil ; ces quatorze oiseaux faisaient retentir l’air de leurs cris rauques ; ils s’avançaient vers le Victoria, plus irrités qu’effrayés de sa présence.

« Comme ils crient ! fit Joe ; quel tapage ! Cela ne leur convient probablement pas qu’on empiète sur leurs domaines, et que l’on se permette de voler comme eux ?

— À la vérité, dit le chasseur, ils ont un air assez terrible, et je les croirais assez redoutables s’ils étaient armés d’une carabine de Purdey Moore !

— Ils n’en ont pas besoin », répondit Fergusson qui devenait très sérieux.

Les gypaètes volaient en traçant d’immenses cercles, et leurs orbes se rétrécissaient peu à peu autour du Victoria ; ils rayaient le ciel dans une fantastique rapidité, se précipitant parfois avec la vitesse d’un boulet, et brisant leur ligne de projection par un angle brusque et hardi. Le docteur, inquiet, résolut de s’élever dans l’atmosphère pour échapper à ce dangereux voisinage ; il dilata l’hydrogène du ballon, qui ne tarda pas à monter.

Mais les gypaètes montèrent avec lui, peu disposés à l’abandonner.

« Ils ont l’air de nous en vouloir », dit le chasseur en armant sa carabine.

En effet, ces oiseaux s’approchaient, et plus d’un, arrivant à cinquante pieds à peine, semblait braver les armes de Kennedy.

« J’ai une furieuse envie de tirer dessus, dit celui-ci.

— Non, Dick, non pas ! Ne les rendons point furieux sans raison ! Ce serait les exciter à nous attaquer.

— Mais j’en viendrai facilement à bout.

— Tu te trompes, Dick.

— Nous avons une balle pour chacun d’eux.

— Et s’ils s’élancent vers la partie supérieure du ballon, comment les atteindras-tu ? Figure-toi donc que tu te trouves en présence d’une troupe de lions sur terre, ou de requins en plein Océan ! Pour des aéronautes, la situation est aussi dangereuse.

— Parles-tu sérieusement, Samuel ?

— Très sérieusement, Dick.

— Attendons alors.