Page:Verne - Cinq Semaines en ballon.djvu/230

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chent, suivant une juste expression, ont d’abord apporté la végétation avec eux, comme ils apporteront la civilisation plus tard. Ainsi, dans son parcours de deux mille cinq cents milles, le Niger a semé sur ses bords les plus importantes cités de l’Afrique.

— Tiens, dit Joe, cela me rappelle l’histoire de ce grand admirateur de la Providence, qui la louait du soin qu’elle avait eu de faire passer les fleuves au milieu des grandes villes ! »


Le Niger.


À midi, le Victoria passa au-dessus d’une bourgade, d’une réunion de huttes assez misérables, qui fut autrefois une grande capitale.

« C’est là, dit le docteur, que Barth traversa le Niger à son retour de Tembouctou : voici ce fleuve fameux dans l’antiquité, le rival du Nil, auquel la superstition païenne donna une origine céleste ; comme lui, il préoccupa l’attention des géographes de tous les temps ; comme celle du Nil, et plus encore, son exploration a coûté de nombreuses victimes.

Le Niger coulait entre deux rives largement séparées ; ses eaux roulaient vers le sud avec une certaine violence ; mais les voyageurs entraînés purent à peine en saisir les curieux contours.

« Je veux vous parler de ce fleuve, dit Fergusson, et il est déjà loin de nous ! Sous les noms de Dhiouleba, de Mayo, d’Egghirreou, de Quorra, et autres encore, il parcourt une étendue immense de pays, et lutterait presque de longueur avec le Nil. Ces noms signifient tout simplement « le fleuve », suivant les contrées qu’il traverse.

— Est-ce que le docteur Barth a suivi cette route ? demanda Kennedy.

— Non, Dick ; en quittant le lac Tchad, il traversa les villes principales du Bornou et vint couper le Niger à Say, quatre degrés au-dessous de Gao ; puis il pénétra au sein de ces contrées inexplorées que le Niger renferme dans son coude, et, après huit mois de nouvelles fatigues, il parvint à Tembouctou ; ce que nous ferons en trois jours à peine, avec un vent aussi rapide.

— Est-ce qu’on a découvert les sources du Niger ? demanda Joe.

— Il y a longtemps, répondit le docteur. La reconnaissance du Niger et de ses affluents attira de nombreuses explorations, et je puis vous indiquer les principales. De 1749 à 1758, Adamson reconnaît le fleuve et visite Gorée ; de 1785 à 1788, Golberry et Geoffroy parcourent les déserts de la Sénégambie et remontent jusqu’au pays des Maures, qui assassinèrent Saugnier, Brisson, Adam, Riley, Cochelet, et tant d’autres infortunés. Vient alors l’illustre Mungo-Park, l’ami de Walter-Scott, Écossais comme lui. Envoyé en 1795 par la Société africaine de Londres, il atteint Bambarra, voit le Niger, fait cinq cents milles avec un marchand d’esclaves, reconnaît la rivière de Gambie et revient en Angleterre en 1797,